J’ai écrit Luna en juin 2021 pour le concours de Saint Fortunat. Le thème était « Dans la forêt lointaine ».
J’ai terminé deuxième et j’ai gagné 40€. J’espère que cette nouvelle vous plaira.
Mars 1654.
Je m’appelle Luna. Je suis née près d’un joli petit village de montagne le matin de Noël. J’ai deux frères. Ils sont turbulents et passent leur temps à se chamailler, mais ils sont très gentils avec moi. Nos parents s’occupent bien de nous. Papa est un peu sévère mais Maman prend toujours notre défense. C’est une belle famille, aimante et soudée. Les larmes me montent aux yeux quand j’y repense. Ça fait longtemps que je ne les ai pas vu parce que je me suis perdue dans la forêt.
Ces bois sont immenses. On vient souvent s’y promener. D’habitude tout va bien. Je suis mes parents sagement pendant que mes frères courent dans tous les sens devant. C’est aussi pour ça qu’ils me surveillent moins, ils me font confiance pour rester prudente. Mais ce matin, je me suis éloignée d’eux pour la première fois. J’ai vu un magnifique papillon jaune. Il était énorme, je n’en avais jamais vu de cette taille. J’adore les papillons. Ils sont à la fois beaux et fragiles. Je me suis approché de celui-ci. Pas pour l’attraper, juste pour le regarder. J’étais plongée dans mes rêveries quand les bandits nous ont attaqués.
Tout est allé très vite. J’ai couru sans me retourner pour trouver un endroit où me cacher. Je ne savais pas si les bandits me poursuivaient ou s’ils s’en prenaient à mes parents. Je sais que j’aurai dû les aider, mais je suis bien trop petite et j’avais bien trop peur. J’ai finalement trouvé une cachette : un vieux tronc d’arbre creux. Je suis rentrée à l’intérieur en rampant. C’était tout sale et humide là-dedans mais au moins j’étais en sécurité.
J’ai attendu très longtemps pour ressortir. La forêt avait retrouvé ses sons habituels : le chant des oiseaux, le bruit du vent dans les feuillages… J’ai appelé Papa et Maman de toutes mes forces mais personne ne répondait. J’ai pris mon courage à deux mains pour revenir sur mes pas. Je devais savoir ce qui était arrivé à ma famille.
Quand je suis revenu sur les lieux de l’attaque, j’ai de nouveau appelé très fort Papa, Maman et même mes frères. Toujours aucune réponse… Je commençais à désespérer quand j’ai entendu un bruit dans les fourrés. Je me suis précipitée toute joyeuse. Est-ce que c’était Papa ? Maman ? Un de mes frères ? Je suis restée pétrifiée : C’était l’un des bandits !
Quelle idiote ! En criant si fort pour appeler ma famille, j’avais attiré les bandits. Ils étaient quatre, riant à gorge déployée en m’encerclant. J’aurai dû fuir, mais je ne pouvais pas bouger d’un pouce. Ils se sont jetés sur moi et m’ont capturée. J’ai mordu l’un d’eux au bras et il m’a frappé très fort sur la tête. J’ai perdu connaissance.
Quand je reprends mes esprits, je suis ligotée à l’arrière d’une charrette. Deux brigands dirigent les chevaux et deux autres sont assis près de moi. Lorsque j’ouvre les yeux, l’un d’entre eux me parle.
— Eh bien ma petite, tu reviens à toi ?
— Tu vois je t’avais bien dit que j’avais pas tapé trop fort.
— T’es une brute, Gunnar. Elle vaut rien si elle est morte.
Que veulent mes ravisseurs ? Où sont mes parents ? Où va-t-on ? Les questions se bousculent dans ma tête qui me fait encore très mal. Personne ne va venir m’aider, il faut que je me sauve. Je regarde vers l’arrière du chariot et je vois la forêt qui s’éloigne. Mes parents sont peut-être encore là-bas en train de me chercher. À moins que Papa ne soit venu à mon secours et qu’il essaie de rattraper la charrette. Les deux hommes qui conduisent le chariot s’écrient soudain :
— Zut, voilà du monde.
— Planquez la petite, vite.
Les deux autres me cachent sous une couverture malodorante et l’un d’eux pose son pied sur moi pour que je ne puisse pas bouger. Le chariot ralentit et j’entends les bandits parler avec d’autres personnes. Je crois qu’on vient de croiser un autre chariot. Les brigands retrouvent leur calme, mais ils me laissent sous cette sale couverture. Heureusement, le plus méchant a retiré son pied.
La nuit est tombée quand le chariot s’arrête. Les bandits s’apprêtent à camper. J’ai mal à tous mes membres à force d’être attachée depuis si longtemps. Celui qui a l’air moins méchant défait mes liens et il m’a même amené à manger. Mais la grosse brute qui posait son pied sur moi revient et lui fait des reproches avant de m’attacher à un arbre et de me bâillonner.
Pendant la nuit, je suis incapable de trouver le sommeil. À force de m’agiter j’ai pu enlever le morceau de tissu qui m’empêchait d’ouvrir la bouche. J’essaie de défaire mes liens avec mes dents. C’est vraiment difficile mais au bout de longues heures d’effort j’arrive enfin à me libérer. Je me lève et m’éloigne doucement du camp. Les quatre bandits dorment à poings fermés. L’un des chevaux se met à hennir et je cours sur le chemin de terre. Pourvu qu’ils ne se réveillent pas.
Quand je suis à bonne distance, je me retourne. On dirait bien que les brigands dorment toujours. J’ai très envie de retourner à la maison mais mes parents doivent me chercher dans la forêt. Où faut-il aller ? C’est presque la pleine lune et je vois une grande tache sombre sur la montagne, c’est la forêt. Mais elle est si lointaine…
Après plusieurs heures de marche, le soleil pointe à l’horizon et mes pieds commencent à me faire vraiment mal. Je suis fatiguée et j’ai envie de dormir. Mais il faut me dépêcher. Je dois mettre la plus grande distance entre mes ravisseurs et moi avant leur réveil. Ils sont peut-être déjà partis à ma poursuite.
Le soleil est haut dans le ciel quand je commence à reprendre espoir. Je ne pense pas que les bandits arriveront à me rattraper. Ils ont dû abandonner. Mais il y a d’autres dangers qui me guettent. Je ne serais en sécurité qu’auprès de mes parents. J’ai très faim, mais il n’y a rien à manger ici. Je m’arrête quand même pour boire à une rivière. Je vois un poisson dans l’eau, mais je n’ai aucune chance de l’attraper.
Je marche encore et encore pendant toute la journée. J’arrive enfin à la forêt quand la nuit se met à tomber. Il va falloir trouver un abri parce que mes parents sont peut-être encore très loin. Je trouve un petit coin douillet au pied d’un grand chêne et je m’endors épuisée et affamée.
Dans la nuit, je suis soudain réveillée par un long hurlement. Ce sont des loups ! Et ils sont tous proches. J’étais trop profondément endormie pour les entendre plus tôt. Je me relève précipitamment. J’ai la tête qui tourne, je suis encore trop mal en point pour courir tout de suite. De nouveau, un long hurlement de loup perce le silence de la nuit. Je n’arrive pas à savoir si les loups se rapprochent ou s’éloignent. Je tends l’oreille : Ils s’éloignent !
Il n’y a qu’une chose à faire. Je rassemble toutes mes forces, je me redresse et je pousse un long hurlement vers la lune pour les appeler. Les loups me répondent aussitôt et accourent vers moi. Voilà mes parents ! Même mes deux frères sont avec eux. Maman me lèche les oreilles. Mon père frotte son museau contre le mien. Mes frères trottinent en cercle autour de nous. Notre meute est enfin réunie.